Dawn of Beauty
Les gants de Thomasine
Devant sa vitrine, les passants ralentissent. Il faut dire que la boutique de Thomasine Barnekow est surprenante par la fantaisie colorée qui en émane au premier coup d’œil. Comment peut-on faire naître autant d’extravagance à travers un accessoire aussi ordinaire qu’un gant?
Thomasine entend les murmures amusés des badauds depuis son bureau qui lui sert d’atelier, mais reste rigoureusement concentrée sur son ouvrage. La lumière de sa machine à coudre clignote, l’aiguille suspendue prête à fondre sur la matière. Thomasine ne manque pas de commandes et les délais de réalisation sont parfois bien courts. Entre les innombrables shootings pour les magazines de mode, les défilés de la fashion week et les caprices de stars, le monde entier s’arrache ses gants et ceux-ci s’exposent comme des œuvres d’art dans les musées.
Pour en arriver à ce niveau d’excellence, Thomasine traça son chemin à tâtons. Elle suivit d’abord une formation de ‘conceptual product designer’ aux Pays-Bas. Il s'agit de la création d'un produit à partir d’un concept avant même son développement industriel ; un univers qui semble éloigné de l’intimité des ateliers d’artisanat de la mode au premier abord. Avec son attrait pour le textile, Thomasine s’engagea dans des ateliers de tissus d’intérieur, se perfectionnant au fil des rencontres avec des artisans suédois, hongrois et français.
Son apprentissage des concepts et des tendances des objets sur les bancs de l’école se révélèrent alors fort utiles pour sa spécialité « niche » dans la mode. Thomasine voit en effet le gant comme un concept en perpétuelle évolution, une certaine tradition à réinventer au fil des saisons. Elle me fit remarquer l’ambivalence de cet objet qui est à la fois une construction mathématique et une fantaisie artistique. C’est une combinaison d’architecture qui, tout en épousant le corps, orne la main comme un bijoux. La complexité de cet objet limite déjà la concurrence, l’imagination de la créatrice lui permet de se hisser parmi les meilleurs.
Le client idéal de Thomasine? Celui qui ne porte habituellement pas de gants, mais qui trouvera dans la rencontre avec sa création, la révélation d’une part de son identité, l’expression de sa personnalité. Ce n’est peut-être pas un hasard que Thomasine ait choisi l’illustre Galerie Vérot-Dodat à Paris pour y implanter sa boutique atelier. Ce passage mythique rassemble depuis 1826 un nombre impressionnant de marchands d’art et de créateurs ambitieux. La créatrice s’inscrit aujourd’hui fièrement dans ce patrimoine du haut artisanat de la mode, par son habileté manuelle et son audace contemporaine.